Colloque d’histoire du droit – Université de Picardie Jules Verne – 15/16 septembre 2022
Comité scientifique
Grégoire Bigot, Pr d’histoire du droit, Université de Nantes
Cédric Glineur, Pr d’histoire du droit, Université de Picardie
Anthony Mergey, Pr d’histoire du droit, Université de Paris Panthéon-Assas
Jean-Louis Mestre, Pr émérite d’histoire du droit, Université d’Aix-Marseille
Albert Rigaudière, Membre de l’Institut
Katia Weidenfeld, Pr d’histoire du droit, École des Chartes
Les recherches menées par le Professeur Jean-Louis Mestre, prolongeant celles d’une partie de la doctrine publiciste du XIXe et de la première moitié du XXe siècles, ont mis en lumière l’existence d’un droit propre à l’administration d’Ancien Régime. Une telle approche rompt avec celle, plus traditionnelle, selon laquelle le droit administratif, indissociable de la juridiction administrative, suppose une séparation des pouvoirs et des autorités administratives et judiciaires, séparation réalisée seulement après 1789. Or, précisément, c’est le contentieux des communautés de Provence qui a permis à Jean-Louis Mestre de mettre en lumière un droit administratif provençal constitué de règles précises et contraignantes à l’égard des administrés. À sa suite, acceptant ce terminus ante quem, plusieurs historiens du droit public ont cherché à confirmer la réalité de ce droit en étudiant le fonctionnement et le rôle de certaines des institutions publiques de l’ancienne monarchie, qu’elles soient royales, provinciales ou municipales. Leurs travaux ont permis de démontrer qu’elles évoluaient dans un ensemble de règles encadrant l’exercice de leurs prérogatives et protégeant, dans une certaine mesure, les droits des agents et des administrés afin de maintenir, autant que possible, l’équilibre entre l’intérêt général et le respect des droits des particuliers. Les sources de ce droit sont parfois difficiles à appréhender tant elles sont nombreuses et variées, qu’il s’agisse des coutumes, des pratiques, des usages, des ordonnances, des règlements ou des décisions de justice générés par chacune des institutions considérées. Cette diversité des sources rend ce droit a priori peu uniforme, sauf à envisager le rôle du Conseil du roi comme un creuset de règles qu’il édicte sur le fondement du droit ou de l’équité et qu’il impose dans l’ensemble du royaume par le truchement des institutions qui lui sont en théorie soumises.
Le droit produit par les administrations d’Ancien Régime n’est pas qualifié de droit administratif par la doctrine de l’époque laquelle, si elle prenait sans doute bien conscience de la spécificité des règles propres à l’administration, ne les a guère étudiées dans le cadre d’une science administrative. Il est vrai, aussi, que la définition même du droit administratif soulève encore aujourd’hui bien des difficultés et qu’il est compliqué, dès lors, d’établir avec précision quand ce droit est apparu. Ce droit n’était regardé comme étant administratif ni par les auteurs, ni par les praticiens. Pour autant, la conscience de l’existence d’une sphère du droit public, distincte de celle du droit privé, se développe très tôt chez les juristes comme chez les administrateurs ou les administrés. Le fait administratif est donc connu des hommes de l’Ancien Régime.
Partant de l’hypothèse, réaliste, que l’administration d’Ancien Régime a aménagé un cadre juridique pour agir et qu’elle produisait donc des normes, le colloque a pour ambition de questionner les textes normatifs issus des administrations, tant au niveau de leur préambule que de leur dispositif, afin de déterminer leur caractère impératif, leur force contraignante, leur esprit et les principes qui les animent. Il ne s’agit plus de s’interroger sur la réalité du droit de l’administration d’Ancien Régime, mais plutôt d’en découvrir l’économie et, au-delà, de chercher à savoir comment, et jusqu’où, la monarchie s’est limitée ou a été limitée par le droit. Cette démarche doit permettre d’aller au-delà du régime politique et de la concentration du pouvoir qui lui est propre, d’accepter la réalité du droit produit et observé par les institutions royales, provinciales ou municipales afin de caractériser leur régime administratif. Il s’agit, à terme, d’éclairer l’ordre juridique dans lequel agissaient les administrateurs et les administrés de l’Ancien Régime et de réfléchir à la position qu’occupait l’État royal au sein de cet ordre. Cette problématique est d’autant plus essentielle qu’elle s’inscrit, pour le XVIIIe siècle, dans un climat d’opposition entre le gouvernement royal et ses commissaires d’un côté, les parlements et leurs officiers de l’autre.
La problématique générale de l’encadrement de la monarchie par le droit de l’administration soulève plusieurs niveaux de questionnement. On peut d’abord s’interroger sur le caractère impératif du droit de l’administration : dans quelle mesure ses règles sont-elles contraignantes ? À l’égard de qui le sont-elles ? La nature politique du régime monarchique a-t-elle une incidence sur leur force obligatoire ? Quelles sont les juridictions compétentes pour les faire appliquer ? Les juges judiciaires en ont-ils connaissance ? Admettent-ils leur force contraignante ? Les adaptent-ils à leur vision du pouvoir judiciaire ? Comment les concilient-ils avec leur propre réglementation ? La royauté a-t-elle voulu développer des juridictions spécialisées pour les faire observer ?
Le contenu du droit de l’administration soulève également nombre de questions : que contiennent les règles développées par les institutions administratives de l’Ancien Régime ? Quelle est leur économie ? Sont-elles organisées dans le cadre d’un corpus unique et cohérent ? Ou, au contraire, existe-t-il un corpus spécifique à chaque administration ? Quelle a été l’influence du droit privé sur leur formation ? Le Conseil du roi a-t-il joué un rôle de régulateur et de creuset de ces différentes normes afin de garantir autant que possible leur uniformité ? Par quels principes sont-elles régies ? Tendent-elles à imposer une sorte d’idéal conforme à l’esprit du régime ?
Propos introductifs
Cédric Glineur
Pr d’histoire du droit à l’Université de Picardiek
(14h-14h30)
Le droit des institutions judiciaires
(Jeudi 15 septembre 2022)
Sous la présidence d’Albert Rigaudière
Membre de l’Institut
Virginie Lemonnier-Lesage, Pr d’histoire du droit à l’Université de Bourgogne : « Les arrêts de règlement des parlements “intéressant à l’administration publique” » (14h30-15h)
Jean-Baptiste Santamaria, MCF-HDR d’histoire médiévale à l’Université de Lille : « Les Chambres des comptes, matrices d’un droit administratif à la fin du Moyen Âge ? » (15h-15h30)
Arnaud Le Gonidec, Docteur en histoire du droit de l’Université de Toulouse : « Les arrêtistes de la Cour des Aides et l’émergence du droit fiscal » (15h30-16h)
Le droit des institutions administratives
(Vendredi 16 septemnlbre 2022)
Sous la présidence de Grégoire Bigot
Professeur d’histoire du droit à l’Université de Nantes
Nicolas Schapira, Pr d’histoire moderne à l’Université de Paris-Nanterre : « Administration d’Ancien Régime et logique domestique » (9h30-10h)
Paul Chauvin-Hameau, MCF d’histoire du droit à l’Université de Tours : « le pouvoir réglementaire ministériel à travers l’exemple des actes du Secrétaire d’État à la guerre de Louis XIV à Louis XVI » (10h-10h30)
Sébastien Vosgien, docteur en histoire du droit de l’Université de Paris II : « Les règlements du Conseil de commerce » (10h30-11h)
Sophie Sédillot, MCF d’histoire du droit à l’Université de Picardie : « L’application des règlements royaux par les assemblées provinciales (1787-1790) » (11h30-12h)
Discussions (12h-12h30)
Les domaines du droit administratif
Sous la présidence de Christine Mengès-Le Pape
Professeur d’histoire du droit à l’Université de Toulousek
Anne-Sophie Condette-Marcant, MCF d’histoire du droit à l’Université de Paris Panthéon-Assas : « L’uniformisation du droit des travaux publics en question » (14h-14h30)
Thomas Boullu, MCF d’histoire du droit à l’Université de Strasbourg : « La nature administrative du droit des transactions en matière d’impositions indirectes » (14h30-15h)
Karine Deharbe, MCF d’histoire du droit à l’Université de Nice : « La taille sous l’Ancien régime, un champ d’expérimentation fondamental pour la construction de principes fondateurs » (15h30-16h)
Jérôme Pigeon, MCF d’histoire du droit à l’Université de Caen : « La jurisprudence fiscale des intendants » (16h-16h30)
Discussions (16h30-17h00)
Conclusions
Katia Weidenfeld,
Pr d’histoire du droit à l’École des Chartes
(17h00-17h30)